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In Rainbows

In Rainbows

Radiohead

par Aurélien Noyer le 11 décembre 2007

4,5

Paru le 10 octobre 2007 (auto-produit)

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Le téléchargement à prix fixé par l’auditeur, la polémique que ça a engendré, le débat sur la frustration de ne pas avoir de support physique à la musique, etc... Les questions soulevées par les choix commerciaux récents de Radiohead sont sans doute intéressantes. Mais je n’ai pas envie d’en parler. Et si je respecte l’éthique d’un groupe, son sens de la cohérence idées-actions, ou au moins la volonté de cohérence, je ne pense pas que ces considérations aient leur place dans une chronique de disque.

Donc après cette mise au point, revenons-en à l’essentiel : ce fameux septième opus de Radiohead. L’attente était forte auprès des fans transis du groupe. Chacun y allant de ses attentes. Soit un retour aux guitares à la The Bends, soit une évolution de plus poussant un peu plus l’hybridation Hail To The Thief, et en guise d’amuse-gueules, le groupe s’était amusé à jouer la plupart de leurs nouvelles chansons dans tous les festivals de la planète. Mais ce n’était que des versions live et on sait le groupe friand d’expérimentations en studio. Et puis, il faut dire que la gestation fut longue. Les premières chansons étaient apparues en live dès 2005, faisant le bonheur des fans. Reckoner, Arpeggi ou House Of Cards, autant d’indices qui pouvaient laisser penser qu’un nouvel album ne trainerait pas. Après tout, le précédent n’avait-il pas été enregistré très rapidement, le groupe s’efforçant de ne pas réfléchir, d’agir à l’instinct ?

Après des premières sessions décevantes à l’été 2005, le groupe repart en studio en février 2006 avec le producteur Mark Stent. Une fois de plus, le groupe est incapable de donner une direction précise à l’album et se perd en route. Il faut donc attendre le printemps 2006 et la tournée des festivals de l’été pour que tout se remette en place. Elément décisif, non seulement la tournée redonne motivation et cohésion au groupe, mais elle lui fournit en plus une direction. Finis les concepts alambiqués à la OK Computer ou Kid A. Finis les albums politiques à la Hail To The Thief. Retour radical à la musique, celle qui agit directement sur les humains qui viennent les voir, celle qui les fait bouger, celle qui les émeut.

En septembre 2006, le groupe relance donc l’enregistrement de l’album avec l’habituel Nigel Godrich à la production. L’enregistrement, le mixage et la finalisation de l’album prendront alors un an, une année cependant entre-coupée de concerts et autres performances live (notamment suite à la sortie de l’album solo de Thom Yorke). Autant d’interludes qui, loin de distraire le groupe, lui permet de garder en tête son objectif premier.

Aussi, lorsqu’il sort, la surprise n’est réelle que chez ceux qui projetaient sur Radiohead leurs fantasmes d’artistes expérimentaux en perpétuelle recherche musicale... ce que le groupe d’Oxford n’a jamais été. En parfaite cohérence avec son histoire, In Rainbows est un album pop, tout simplement. Pas un album pop, comme Pablo Honey ou The Bends pouvaient l’être, bien sûr, l’évolution musicale du groupe se fait sentir. Mais il suffit d’y jeter une oreille distraite pour y retrouver toutes les composantes d’un album pop : une voix mixée bien en avant, s’appuyant sur des mélodies qui reposent elles-mêmes sur des structures assez classiques (des arpèges de guitare, quelques accords de piano). Les expérimentations sonores ne seront convoquées que pour un 15 Steps introductif, transition parfaite portant à la fois des réminiscences electro-rock de The Eraser et ses parties de guitare slide annonciatrices de l’orientation de l’album.

Une évolution qui voit donc le groupe quitter les concepts des albums précédents pour se concentrer sur la brique élémentaire de la pop, à savoir la chanson. Car In Rainbow, en bon album pop, n’est rien d’autre qu’une collection de chansons. Ni plus, ni moins... Et c’est là que le bât blesse. Prise indivuellement, chacune est une réussite. Bodysnatchers, Nude, Faust Arp ne sont que des exemples, je pourrais citer chaque titre, le constat serait le même. Aucune chanson n’a été bâclée. On retrouve toujours le même soin des arrangements, des ambiances propre au couple Radiohead/Nigel Godrich. Cependant, l’ensemble apparaît comme trop lisse, trop uni. Mis à part 15 Steps et Bodysnatchers qui injecte un peu d’imprévu grâce à son tempo et à son riff de basse saturée, la plupart des chansons de l’album chassent sur le même terrain. Et même les titres présents sur le fameux CD bonus livré avec la discbox de l’album ne permettent pas de penser que cela est dû à des erreurs dans le choix des chansons. Mis à part Bangers + Mash tellement différente qu’elle aurait pu s’intégrer à l’album, les autres titres proposés sont toujours dans la même veine.

Malgré les différences dans leurs constructions respectives, l’enchaînement des morceaux laisse apparaître une sorte de redondance assez déplaisante. Passées les deux premières chansons, l’auditeur est plongé dans un coton sonore où aucun choc ne l’atteint. Même si l’album se révèle avec une écoute attentive, chaque titre se dévoilant au travers d’accroches discrètes mais stratégiquement placées, il lui manque quelques morceaux plus immédiats, plus percutants. De là à y voir un peu d’auto-complaisance dûe au contact d’un public fanatique, il n’y a qu’un pas qu’il est tentant de franchir.

Mais toujours est-il qu’à cause de cela, In Rainbows n’est qu’une collection de bonnes chansons, au lieu d’être une bonne collection de chansons. Toutefois, en tant que fan modéré du groupe, je ne peux m’empêcher de préférer cette incarnation, humaine et sincère, à l’image de messie du rock devant mener les fidèles vers une hypothétique Terre Promise que certains fans aiment à leur prêter.



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Track-listing :
 
1. 15 Step (3’57")
2. Bodysnatchers (4’02")
3. Nude (4’15")
4. Weird Fishes/Arpeggi (5’18")
5. All I Need (3’48")
6. Faust Arp (2’09")
7. Reckoner (4’50")
8. House of Cards (5’28")
9. Jigsaw Falling Into Place (4’09")
10. Videotape (4’39")
 
Durée totale : 42’34"