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mercredi 15 avril 2015
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par Antoine Verley le 6 septembre 2011
Sorti le 13 mai 2003 (V2 Records)
Perle de l’indie post-OK Computer, Grandaddy distille une musique simple en apparence mais dont les harmoniques feutrées, parfois parcourues de sages distortions et de synthés ronronnants qui n’entachent en rien leur sens mélodique céleste, forment de parfaits écrins pour la voix d’airain de Jason Lytle. Une métronomie impeccable sur des rythmes parfois synthétiques (Stray Dog And The Chocolate Shake) mais aussi d’une fraîcheur estivale (Now It’s On, The Group Who Couldn’t Say) masque presque de somptueux motifs de piano (The Saddest Vacant Lot In All The World, The Warming Sun) d’un romantisme que le défunt groupe maîtrise autant que les sautes d’humeur du moins carré mais tout aussi convaincant Sophtware Slump (on pense à Broken Household Appliance ou He’s Simple, He’s Dumb, He’s The Pilot) sorti trois ans auparavant, le diptyque suffisant à consacrer Grandaddy et leur verve beatlesienne comme une figure majeure de la pop américaine des années 2000.
Mouais. Pas génial.
Enfin, pas l’album, évidemment qu’il est génial. Simplement, que vaut cette chronique si elle échoue à le rendre différent à vos yeux de l’album « sympa pour passer l’été », ou même du « machin quelconque que j’encense ici mais que je finirai par exhiber fièrement au milieu d’autres conneries dans mon top 50 de l’année établi à l’arrache dès le mois de mai » ? Comment briser ce mur entre toi, lecteur, et ce « splendide opus » que, par cette seule appellation surannée, je défigure à l’acide pervers de mon verbe indigent étalé à la sauvette sur vos pauvres mirettes qui n’avaient pourtant rien demandé ?
Même slalomer avec circonspection entre ces rangées de cèpes aux structures semblables que sont les titres de cet album ne résultera pas en davantage de compréhension, mais en un enchaînement de mindfucks jamais vu depuis l’invention du calcul. Que contient cette musique d’objectivement singulier ? En vérité, peu de choses. Le niveau technique des musiciens est anormalement normal (ni mauvais, ni tape-à-l’oeil) et le registre dans lequel évolue le groupe balisé. Mais même cette absence de complexité et de sonorités réellement nouvelles ploie face au diktat du « cébo », insidieuse saloperie élisant domicile dans les pop songs pour se propager par elles dans nos grêles organismes et les paralyser.
Ainsi pourrais-je aussi me vendre moi-même au lieu de l’album, admirable refus d’obstacle comme Lelo J Batista en fait régulièrement dans Noise. Mais comment l’en blâmer ? Il est vrai que la raison pour laquelle nous écoutons tous de la musique est parce que l’album nous empêche de dormir, de manger, hante nos nuits comme nos rêveries diurnes jusqu’à faire littéralement partie intégrante de notre être et supplanter toute réalité en nos vies fort emmerdantes. Par contre, va raconter ça à longueur de chro, tu vas passionner les gens par ta manière de capturer la singularité de cette musique, un truc de fou.
On peut alors s’avouer vaincu ; lorsqu’un album comme celui-ci, s’expliquant par sa seule substance, nous laisse à ce point désarmé, on peut, comme un Jacky Goldberg de la critique musicale, se laisser aller à de mirifiques et très divertissantes surinterprétations, les livrant en pâture à ces cons de lecteurs qui seront de toute façon incapables de faire la part des choses entre le leurre que l’on leur sert sournoisement et les réelles qualités foncières et formelles de l’œuvre d’art singulière et vivante.
Avec tout ça, je l’ai toujours pas écrite, cette chronique. Ça sera pour une autre fois.
Vos commentaires
# Le 6 septembre 2011 à 01:17, par Thibault En réponse à : Sumday
# Le 6 septembre 2011 à 10:31, par Antoine Verley En réponse à : Sumday
# Le 6 septembre 2011 à 10:48, par Aurélien Noyer En réponse à : Sumday
# Le 6 septembre 2011 à 10:51, par Antoine Verley En réponse à : Sumday
# Le 6 septembre 2011 à 14:19, par Thibault En réponse à : Sumday
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