Pochettes
The Great Escape

The Great Escape

Blur

par Laurence Saquer le 21 juillet 2009

Sorti le 11 septembre 1995 chez Food/EMI.

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Il y a plusieurs façons d’adorer un disque : cela dépend de l’objet et de la personne qui le possède. Examinons les extrêmes. S’il s’agit d’un vinyle et que son propriétaire est un grand malade, le fan relèvera avec soin le fin papier de riz qui enveloppe son disque dans un écrin de velours rouge et aux finitions en fils d’or. Le disque sort de cet écrin une fois par an, lors de la date d’anniversaire du décès de l’artiste qu’il représente (à titre d’exemple, tous les 16 août que le Monde connaît depuis 1977 sont des journées où les disques sortent beaucoup de leur cachette secrète [parfois un buffet en merisier massif avec portes "chapeau de gendarmes" ou une caisse en plastique de marque suédoise]). S’il s’agit d’un CD et que son propriétaire n’est pas moins borderline que les hurluberlus qu’il écoute, l’objet errera sur le sol de son Opel Corsa 80’s, depuis que son étui en plastique a cédé sous le talon de sa petite amie, après une folle nuit dans une discothèque de la côte méditerranéenne (elle était un peu pompette mais s’est excusée). Bref, le disque est là, gisant, mais pour son propriétaire, ce qui compte, ce n’est pas la pochette mais la musique.

Voici deux exemples de sort qui attendent les disques. Leurs auteurs y pensent-ils parfois ? Lorsqu’un directeur artistique arrive, pas peu fier, de ses graphistes mais surtout de ses propres idées, dans le bureau du directeur commercial de la grande maison de disques, pense-t-il au sort de son art cover ? Par exemple, le type qui a imaginé la pochette de The Great Escape de Blur, il pensait à quoi quand EMI a dit banco ?

La pochette : un bateau de plaisance. A son bord, deux hommes dont l’un est torse nu. Ils sont souriants et observent une troisième personne dont on ignore le sexe. L’intérêt de cette image réside dans cette incertitude. Mais un indice important met sur la voie : les mollets de la personne inconnue sont totalement lisses. De fait, son identité sexuelle se rapproche de la "femme" sauf si cet(te) inconnu(e) est amateur de cyclisme au point de singer les coureurs dans leurs habitudes épilatoires. Autre détail de poids : le dérapage contrôlé du bateau, mis en scène par de brillants éclats d’eau et par la position de l’engin. L’échelle est à l’eau, et ça, c’est intrigant. Une femme nageant nue dans l’eau a-t-elle attiré l’attention des deux plaisanciers qui, pour ne rien rater du spectacle, ont tiré sur le frein à main du bateau ? Ce qui est certain, c’est que cette pochette dispose de deux niveaux de lecture (contenus de l’album évoquant la solitude et art cover estival évoquant les plaisirs simples de la vie) qu’il serait trop long ici d’expliquer. Car il y a mieux.

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Pochette du single "Country House" de Blur

Observons une autre pochette des leaders de la Brit-Pop : celle du single Country House. Grand tube de ces garçons, Country House relate l’aventure de leur ancien manager, Dave Balfe, parti vivre à la campagne pour fuir le stress citadin. Et la pochette du single représente l’une des propriétés du célèbre Ludwig II de Bavière, roi de Bavière (Allemagne) durant plus de vingt années du XIXème siècle. C’est bien connu, la Bavière est cousue de châteaux et de basiliques rendant gloire au style baroque : rien n’est trop doré, rien n’est trop décoré, rien n’est trop chargé pour les architectes du plus grand Land du pays. Louis II de Bavière, protecteur des arts et de Wagner, va lancer d’immenses travaux sur sa contrée et ses constructions seront à l’image de son extravagance et de sa personnalité en marge. Grand admirateur des contes de fées nordiques, interné dans un hôpital psychiatrique, évincé du trône, jamais marié (véritable drame à l’époque) et très homosexuel, la personnalité de Louis II de Bavière est un livre ouvert pour qui est visé par sa représentation... Dave Balfe ne devrait pas, en principe, se sentir à l’aise avec cette pochette. Mais comme Louis II, David Balfe est un amateur d’art musical et s’investit dans sa distribution en fondant Food Record et en suivant de près de nombreux artistes, de la même manière que le roi bavarois a construit l’opéra de Bayreuth pour laisser l’art de Wagner s’exprimer. Pour en savoir plus, le mieux est peut-être d’aller visiter la Bavière et ses châteaux de princesses, dont celui de Neuschwanstein, qui inspire celui de DysneyLand Resort Paris. Mais c’est un autre débat.

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